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Le débarquement Kényan en Haïti : Attentes et perspectives | Opinion

Aujourd’hui, plus de 400 agents de police militaire kenyans ont foulé le tarmac de l’aéroport international Toussaint Louverture. Ce fait a suscité un grand optimisme parmi les Haïtiens, enfin ils sont là. Après des semaines, voire des mois d’attente interminable, 400 policiers ont débarqué aujourd’hui. Plus de 2000 autres sont attendus, provenant d’autres nations ayant promis leur assistance à la Force Internationale. Cette force, selon le Chef d’État kényan William Ruto, devra combattre les groupes armés qui ont quasiment assiégé la capitale et d’autres villes de province. Soixante-douze heures avant le débarquement, il n’y avait pas d’espoir de projection. Mais désormais, les Haïtiens, surtout ceux de la capitale, projettent de se rendre dans les villes des provinces du Nord et du Sud.

À noter, on parle de “débarquement“. Roger Gaillard, un historien haïtien renommé, a publié une collection de textes intitulée “Les Blancs Débarquent“. Après “La République Exterminatrice” et “La République Autoritaire“, “Les Blancs Débarquent” présente avec netteté l’arrivée et l’évolution des militaires américains qui ont débarqué dans le pays le 28 juillet 1915. De 1994 à 2024, c’est la troisième intervention étrangère dans le pays. Après l’expérience américaine et brésilienne, c’est l’Afrique, par le biais du Kenya, qui intervient. Quel en sera le résultat ? Il n’est que d’attendre.

En attendant, “les Blancs débarquent“. Le terme est évocateur, voire ironique. Ce sont des Africains qui ont descendu l’avion à l’aéroport international, de phénotype noir, il est important de le signaler. Mais ce sont des “Blancs” qui interviennent, des étrangers, des puissances mondiales qui agissent sur l’échiquier haïtien par personnes interposées. Les États-Unis et les autres membres de la communauté internationale, en l’absence d’interlocuteurs régionaux, misent sur l’Afrique.

Dans un jeu géopolitique complexe, les puissances tutrices fabriquent et renforcent un acteur africain pour contrer la menace sino-russe. De son côté, le Kenya bénéficie de reconnaissance internationale accrue en termes de financement, de positionnement diplomatique sur l’échiquier américain, et de matériel adéquat pour ses forces publiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Toutes ces décisions et projections sont entreprises et réalisées sans la participation des acteurs politiques haïtiens, qui sont restés à l’état d’exécutants.

Dans tout ce contexte politique complexe, les Haïtiens, fatigués des gangs armés, sont optimistes et attendent l’opérationnalisation de cette Force. Cet optimisme a également été constaté en 1915 parmi les membres de la bourgeoisie haïtienne de l’époque, mais pas dans les classes populaires rurales et urbaines, principales victimes de l’occupant et des interventions étrangères précédentes. Est-ce le cas des habitants actuels des quartiers populaires, prisonniers des groupes armés ? Quel est leur état psychologique ? Quelle sera la réaction de ces groupes qui, avant l’atterrissage, réclamaient le dialogue ?

Il n’est plus qu’à attendre.

Richecarde CELESTIN | Opinion

Richecarde Célestin

Richecarde Célestin, né le 5 juillet 1992 à Port-au-Prince, Haïti, est un juriste et rédacteur, mettant son expertise au service de sa communauté.

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