Nous sommes le 2 janvier 2023, un jour qui représente beaucoup pour les haïtiens, un jour qui se trouve être le jour des aïeux. Celui-ci suit le 1er Janvier qui est la date de la proclamation officielle de l’indépendance du pays et la naissance d’une nation.
L’indépendance du pays face au colonialisme français entre dans l’histoire comme l’acte qui redonne la dignité aux opprimés. La Révolution française et la Révolution Américaine affirment la dignité de l’homme, mais la réalité de l’époque dominée par l’esclavage limite ces faits historiques et actes juridiques pour une catégorie d’homme, l’homme blanc. Les femmes, les esclaves et les habitants des autres contrées qui n’entrent pas dans cette catégorie sont exclus.
C’est la Révolution de 1804 qui a donné naissance à Haïti qui leur rend justice en leur plaçant du même côté que les hommes prévus par les deux premiers actes juridiques et épistémologiquement c’est une avancée. La Révolution se tient en face de la modernité, ce qui la rend inaudible et invisible dans la pensée dominante qui en découle.
De 1804 à nos jours, le pays ne peut se mettre à niveau de l’idéal qui la fait naître, le système économique plantationnaire contre lequel les captifs se sont rebellés existe toujours. Les élites forcent la porte de la modernité qui leur reste toujours fermée. Pour cela, ils ont construit un discours historique aligné sur les intérêts de cette modernité et leur porteurs pour obtenir une gratitude envers eux mêmes. Ce discours historique visant l’altérité occidentale noircit quelques passages dans l’évolution historique du peuple haïtien.
Qu’en est-il des premières nations précolombiennes sur l’île? Qui sont-elles? d’où viennent-elles!? Comment se sont-elles organisées avant 1492?
Il n’existe presque pas de recherches sur ces peuples ou alors s’ il y en a, elles sont réduites au silence. L’histoire du pays commence à partir de 1492 avec l’arrivée des espagnols ayant à leur tête Christophe Colomb, qui réalise la première mondialisation. Ainsi, une histoire millénaire est effacée ainsi que la violence issue de ce choc de civilisation.
La population sur place a subi un véritable genocide avec des massacres, des épidémies et des déportations pour aller travailler dans le mines extraire de l’or pour l’empire espagnol. Une population de plus d’un million d’habitants fut réduite à 500 a l’approche de l’abandon de l’île par les espagnols pour le continent sud américain qui est plus riche, c’est un premier coup porté à cette histoire.
La question de la perle de Antilles
C’est une expression qui est très friande, elle se remémore les richesses de la colonie de Saint Domingue et on trouve l’expression même sur les plaques d’immatriculation des véhicules. Quelle est la vérité autour de cette perle?
Certes la colonie était riche. L’histoire officielle affirme que le sucre de canne dominguois alimenta le marché européen et d’autres contrées. Les retombées économiques de cette culture rendaient riche et puissant les exploiteurs coloniaux et métropolitains. Mais ce sucre se mélangeait avec la sueur et le sang des esclaves qui travaillaient nuit et jour aux prix des supplices inimaginables pour faire fructifier ce modèle d’accumulation pour les classes dominantes.
A un tel point que, lors de la rupture avec la métropole française, les élites ont tenté de reproduire le même modèle pour assurer leur hégémonie et représentation aux yeux des anciens maîtres. L’histoire des esclaves est occultée avec cette expression nostalgique et elle aura également une répercussion sur la nature même de la révolution des noirs à Saint domingue.
La Révolution de Saint Domingue est fille de la Révolution Française
Dans un système capitaliste mondialisé avec un centre et une périphérie ou plusieurs, les événements de l’un ou de l’autre auront des répercussions de tout côté, la Révolution française bourgeoise se tenait contre la noblesse et le clergé pour leur monopole sur les richesses métropolitaines et coloniales. Cette classe voulait elle aussi une représentation aussi visible qu’effective. De ce fait elle déclencha une révolution qui finit par le renversement du régime.
Mais cette révolution devrait concerner que la métropole, aucun changement ne devrait être opéré à saint domingue. Ce qui frustra les colons propriétaires et à leur tour annonçait une rupture et une révolution suivant le modèle américain. L’oubli c’est que dès le début de l’exploitation coloniale, les opprimés indiens et noirs captifs se sont rebellés. Leur revendications sont obscurcies aux prix d’un alignement sur le discours historique moderne occidental.
On pourrait ajouter à cette liste, les leaders populaires marron qui ont eu, eux aussi leur modèle de société. Ces derniers sont sacrifiés au nom des intérêts de classes. La participation des femmes dans la lutte contre le système colonial les enfants, la lutte paysanne au 19eme siècles, la résistance face à l’occupation américaine, le Duvaliérisme et les victimes de la lutte pour la démocratie et la liberté de 1986 à nos jours. La négation de soi et l’oubli sont les actes majeurs pour une oppression permanente.
Comme l’affirme Jean Casimir, quand on porte un discours historique, il faut d’abord se positionner. Soit on est dans le bateau de Colomb, soit on est sur la plage avec les indiens. Ce sont deux mémoires différentes dont la dominante obscurcit la dominée. Pour assurer leur hégémonie et le maintien de l’État comme instrument de violence, il faut un discours historique adéquat pour légitimer sa politique, et jusqu’à date, l’histoire des opprimés en Haïti de 1492 à nos jours reste à écrire.
C’est une façon bien noble de parler de nos aïeux qui se sont sacrifiés pour une nouvelle nation, Haïti représente dans son essence la justice et la liberté et le discours historique doit refléter ces idéaux.
Mag.2 News | Opinion
Le texte est magnifique
Très beau texte👌