Comment rester insensible, calme et impassible en observant les images déchirantes des victimes des attaques de l’armée israélienne sur les civils vivant dans la bande de Gaza? La vision des enfants tués, blessés ou pleurant la perte soudaine et brutale de leur famille ne peut que troubler la conscience d’une personne sensible à la vie. Engagée avec le soutien des États-Unis dans une lutte contre le terrorisme, l’armée israélienne intensifie les frappes sur les bâtiments à Gaza, qui abritent des civils.
Les images poignantes des victimes en détresse sont malheureusement souvent éclipsées par les grandes institutions de presse internationales qui orientent le débat vers la légitimité de la réponse d’Israël à la menace terroriste du Hamas. Il est important de noter que la question du terrorisme s’inscrit dans une logique communicationnelle établie depuis 2001, ciblant les peuples considérés comme des ennemis civilisationnels par l’Occident. Pendant ce temps, des civils perdent la vie chaque jour, et la presse internationale, souvent perçue comme étant au service du capital, peut détourner l’attention du véritable enjeu. Quelle devrait être la position d’Haïti à ce sujet ?
Il est crucial de reconnaître que lorsqu’un peuple est victime dans ses revendications, dans sa lutte pour la dignité et l’autodétermination, la question ne se limite pas à ce peuple en particulier. C’est une affaire qui concerne tous les peuples résistant aux ravages du capitalisme, attaqués dans leur corps et leur environnement au nom du profit. Haïti, en tant que modèle de libération, de résistance et d’accomplissement de la lutte des opprimés esclavisés, doit prendre la tête pour s’opposer à l’oppression. En ce sens, notre histoire nous oblige à nous positionner et à demeurer dans cette perspective.
En matière de solidarité entre les peuples, Haïti est en avant-garde. Hatuey, l’un des nombreux caciques de la période précolombienne, a établi une communication entre les peuples autochtones du territoire actuel d’Haïti et de Cuba. Cette communication garantit d’abord la solidarité, favorisant ainsi la résistance contre l’oppresseur espagnol. Les informations sur le mode opératoire des colonisateurs sont connues, discutées, et des mesures ont été mises en place pour une meilleure résistance. Selon le professeur Camille Charlmers, le nord de Cuba a farouchement résisté face aux Espagnols. Un autre facteur de cette solidarité est l’impact de la révolution de Saint-Domingue contre le colonialisme dans les espaces caribéens et latino-américains. Bolivar a reçu un soutien en hommes, en matériel et en nourriture dans la guerre de libération contre les Espagnols.
Dessalines, Christophe, et en somme, les pères fondateurs ont également nourri la solidarité entre les peuples en apportant leur soutien aux nations luttant contre les puissances coloniales de l’époque. Boyer a également soutenu les Grecs dans leur lutte pour l’indépendance. N’oublions pas la guerre de la restauration de l’indépendance de la République dominicaine, marquée par le soutien logistique et diplomatique de Geffrard aux indépendantistes dominicains. Plus près de nous, cette solidarité entre les peuples a été illustrée par la présence en Afrique de professionnels haïtiens qui ont aidé les nouvelles nations africaines indépendantes à construire l’État post-colonial. C’est dans le même esprit de solidarité que des groupes politiques progressistes se sont réunis le 15 novembre à la POHDH pour la dignité du peuple palestinien.
Car il y a une similitude entre Haïti et la Palestine quant à leur position dans la division internationale du travail qui fait de ces deux peuples une main-d’œuvre abondante à bon marché et sujette au génocide. Le peuple palestinien résiste face à l’État d’Israël depuis les années 70, les Haïtiens depuis 1915 jusqu’à nos jours contre l’impérialisme américain. Les espaces du Moyen-Orient et des Caraïbes étant des routes commerciales internationales et des générateurs de ressources naturelles, les peuples haïtiens et palestiniens n’auront jamais la stabilité requise pour bénéficier de ces espaces économiques dans leur processus de développement, dont l’homme est l’élément central.
Ainsi, la solidarité entre ces peuples est plus que nécessaire. Il est essentiel que les peuples s’unissent face aux classes dominantes nationales et mondiales rétrogrades et violentes. La libération ne provient que par la lutte, surtout par la lutte collective entre les opprimés. C’est le gage de leur salut, le gage d’une meilleure résistance.
Richecarde Célestin
