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La Gonâve se dote d’une police municipale armée inconnue de la PNH: Une initiative controversée

L’île de la Gonâve, la plus grande île d’Haïti, a récemment gradué une cinquantaine de policiers municipaux, dont trois femmes, au cours d’une cérémonie solennelle le dernier samedi de mars 2024, selon des informations recueillies par AyiboPost. Ces agents, formés en un mois, ont été armés, mais la provenance de leurs armes reste inconnue, suscitant des inquiétudes au sein de la communauté.

Avec cette nouvelle force, l’île rejoint plusieurs dizaines de communes à travers Haïti qui se sont dotées de leurs propres polices municipales. Cette tendance soulève des questions sur la légalité et l’organisation de ces forces locales. En effet, un décret de 2006 sur le fonctionnement des collectivités territoriales prévoit l’existence d’une police administrative municipale, mais la loi régulant ses recrutements, son effectif, et son organisation n’a jamais été adoptée.

Comme les policiers parlementaires et les agents de la Brigade de Sécurité des Aires protégées (BSAP), ces nouvelles forces évoluent en marge de la Constitution de 1987 qui interdit l’existence d’autres corps armés en dehors de l’armée d’Haïti et de la Police nationale d’Haïti (PNH).

Les policiers municipaux de la Gonâve ont été formés par des agents de la PNH et sont censés aider à lutter contre l’insécurité sur l’île, qui compte environ 90,000 habitants mais n’est protégée que par cinq policiers sous-équipés, selon Luckson Fils-Aimé, membre du Conseil d’Administration de la Section Communale (CASEC) d’Anse-à-Galets. Cependant, la communauté exprime des préoccupations croissantes. Content Renil, président de l’association des CASECS et ASECS de la quatrième section de Ti Palmiste, a révélé à AyiboPost que les agents portent des armes de provenance inconnue et des gilets pare-balles identifiés PNH, bien qu’ils ne fassent pas partie de cette institution.

Les responsables des commissariats d’Anse-à-Galets et de Pointe-à-Raquettes, Jilles Motlaire et Jose Renard, ont déclaré à AyiboPost qu’ils ne disposaient d’aucune information sur la formation ou l’armement des nouveaux agents municipaux, bien que Motlaire ait assisté à la cérémonie de remise de certificats le 30 mars 2024.

Oleste Pierre Louis, CASEC de la quatrième section Grand Lagon de la commune d’Anse-à-Galets, a indiqué que les équipements provenaient de la mairie, sans clarifier comment la municipalité se les était procurés ou si les agents les rendront en cas de changement à la mairie.

Des spécialistes craignent que la création de polices municipales n’aggrave les problèmes de sécurité en Haïti. Youdeline Chérizard Joseph, avocate au Barreau des Gonaïves et criminologue, souligne que ces forces pourraient être instrumentalisées ou entrer en conflit avec la PNH. Des précédents préoccupants existent : en 2017, des membres de la police municipale de Petit-Goâve ont commis des exactions contre des civils, et un agent de la police municipale de Delmas a tué un jeune homme lors d’une opération de déguerpissement.

La nouvelle force de la Gonâve a déjà suscité des critiques locales. Le 13 avril 2024, un agent a été blessé avec son propre arme après avoir tiré en l’air pour maîtriser un individu armé d’une machette. L’avocat Damas Jean Milford, résident d’Anse-à-Galets, craint que les nouveaux policiers ne deviennent des instruments de répression contre la population.

Des voix s’élèvent pour une régulation de ces forces et pour établir un rapport hiérarchique avec la PNH. Luc Wans Duvalsaint, ancien maire de Petite-Rivière de l’Artibonite et directeur exécutif de la fédération nationale des ASEC d’Haïti (FENASEC), insiste sur la nécessité d’une loi pour définir les modalités de recrutement, d’intervention, et de formation de ces agents.

Pendant ce temps, d’autres communes suivent l’exemple de la Gonâve. La mairie d’Aquin a récemment lancé un appel à candidature pour recruter des agents de police municipale, selon un arrêté municipal daté du 10 avril 2024. La situation évolue, et les prochaines étapes seront cruciales pour l’avenir de la sécurité et de la gouvernance locale en Haïti.

Mag.2 News | Ayibopost

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