Cette situation étonne plus d’un : des jeunes hommes et femmes, se présentant comme journalistes, suivent en direct les mouvements des troupes kenyanes et des policiers haïtiens engagés dans des affrontements avec des bandits à Port-au-Prince. Ces « journalistes » transmettent en temps réel des informations sur le déplacement des forces de l’ordre, jusqu’à détailler les déplacements des blindés, y compris un blindé en panne remorqué par un autre véhicule.
Ces événements sont suivis attentivement par les caméras de cette nouvelle catégorie de professionnels de l’information. Ils couvrent aussi les conférences de presse des groupes armés et les suivent en reconnaissance, comme ce fut le cas avec des jeunes hommes armés à Gressier et Mariani. Cette couverture à chaud, bien que dangereuse, profite aux groupes armés qui comprennent l’importance de l’opinion publique. Ces professionnels capitalisent sur leur visibilité pour exister sur la scène médiatique et générer des revenus.
Le coronavirus a profondément modifié la diffusion de l’information en renforçant les réseaux sociaux au détriment des médias traditionnels. Pendant les confinements, les gens ont utilisé ces plateformes pour passer le temps, divertir le public et partager des informations sur le virus. TikTok, Facebook, Instagram et Twitter sont devenus des outils essentiels. Les séances en direct et l’émergence de nouveaux métiers tels que ceux d’influenceur et de créateur de contenus ont modifié le paysage médiatique. Les créateurs doivent constamment alimenter leur compte en contenu pour monétiser leur présence, souvent au détriment de la qualité et de l’éthique. Les responsables de ces médias, face à un manque de contenus utiles, se tournent parfois vers des sujets controversés ou illégaux pour attirer l’attention et les revenus.
L’histoire de la presse en Haïti a été marquée par des figures emblématiques qui ont compris l’importance de l’information pour la vie publique et la démocratie, comme Darfour, Joseph Jolibois Fils, Les jeunes de La Ruche, Jean Dominique et Liliane Pierre-Paul. Ces pionniers ont œuvré pour une presse éthique et constructive. Malheureusement, aujourd’hui, les médias en ligne souvent non contrôlés ni organisés, manquent de rigueur et d’éthique dans la fabrication et la diffusion de l’information. La formation des journalistes laisse à désirer, avec peu d’écoles et de programmes de qualité. La possession d’un équipement sophistiqué ne suffit pas à faire de quelqu’un un journaliste. La question de savoir qui est réellement journaliste en 2024 demeure complexe.
Il est paradoxal de constater qu’un grand nombre de journalistes en ligne, déçus par leur incapacité à percer dans les médias traditionnels, se tournent vers le numérique. Cette catégorie peut parfois maintenir un minimum d’éthique et d’organisation, mais d’autres, motivés uniquement par le profit, négligent totalement l’éthique. Les comptes monétisés attirent les spectateurs, souvent sans se soucier de la véracité ou de la qualité des informations diffusées.
Actuellement, la Direction Centrale de la Police Judiciaire procède à l’arrestation de personnes utilisant ces plateformes pour soutenir les groupes armés. Le terrorisme prospère en exploitant la perception de la peur chez la population, rendant l’État apparemment impuissant. Pour résoudre l’insécurité, il est crucial d’agir sur la perception des acteurs impliqués.
Le droit à l’information est fondamental, et la liberté d’expression et de la presse est une conquête démocratique à préserver. Il est urgent de réformer le secteur des médias en ligne en Haïti pour éviter qu’il ne continue à refléter le côté sombre du pays, ce qui contribue à une mauvaise perception de la nation tant sur le plan national qu’international.
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