Les termes « Repartimiento », « Requerimiento » et « Encomienda » sont associés à l’histoire douloureuse des Haïtiens, rappelant les mécanismes de domination imposés par les envahisseurs espagnols aux Taïnos, Ciboneys et Arawaks qui vivaient en harmonie avant l’arrivée de Christophe Colomb en 1492. Ces systèmes ont laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective haïtienne, témoignant de la brutalité de la colonisation.
Quant à l’île d’Hispaniola, première entreprise coloniale du continent américain, elle porte les stigmates de cette rencontre violente entre les Espagnols et les autochtones. Les conséquences de cette histoire perdurent dans la République d’Haïti et la République dominicaine, témoignant d’une histoire complexe et souvent douloureuse.
La date du 5 décembre 1492 revêt une importance particulière dans l’histoire d’Haïti, symbolisant le début de cette rencontre entre les Européens et les autochtones. 530 ans se sont écoulés depuis, mais les impacts de cette rencontre demeurent palpables, influençant la trajectoire historique et sociale de l’île jusqu’à nos jours. L’eurocentrisme accompagne chaque entreprise coloniale, constituant un discours politique, historique et idéologique qui élève l’Européen au-dessus d’autres peuples. Les mots deviennent ainsi un terrain de lutte, la notion de « découverte » reflétant la compréhension et le positionnement de ces peuples dans la pensée occidentale de l’époque.
Les premières nations du continent américain ont été infantilisées, réduites à une dimension animale pour justifier leur domination et exploitation. Dans la quête de l’or, les colons ont élaboré une structure complexe permettant une exploitation coloniale sans scrupules. Les Amérindiens ont été assujettis en tant que sujets espagnols, contribuant au fisc tout en travaillant sans relâche dans les mines, tout en fournissant en parallèle des tributs en nourriture et autres produits provenant de leur terre.
Avant 1492 et 1493, les cinq caciquats coexistaient en harmonie avec un modèle économique axé sur la pêche et l’agriculture. Ce système économique était complété par une structure sociale qui favorisait l’égalité au sein des tribus et caciquats, renforcée par le culte des dieux Zemès, dont les prêtres jouaient un rôle central en tant que principaux interprètes. Cependant, l’exploitation coloniale minière a déstructuré ce modèle sociétal par le biais du travail forcé. Les Espagnols ont initié un génocide et un effacement culturel progressif, éradiquant la riche culture des peuples autochtones. Malgré cela, la résistance a immortalisé des figures telles que Caonabo, le premier à anticiper ce génocide.
Après une période d’observation, Caonabo et ses soldats ont détruit le fort de la Nativité, première base militaire du Nouveau Monde visant à sécuriser le butin colonial. Anacaona, une femme cacique, a résisté à Xaragua (actuel Léogâne) et a été le dernier caciquat à tomber. Hatuey a internationalisé la résistance contre les colons espagnols en alertant les autochtones de Cuba sur la nécessité de s’opposer à ce colonialisme. Le cacique Henry, résistant acharné dans les montagnes de Bahoruco en République dominicaine, a été le dernier à offrir une résistance farouche, nécessitant la signature d’un traité avec lui.
Cette histoire révèle la résilience face à l’exploitation coloniale, symbolisant la lutte héroïque de figures telles que Caonabo, Anacaona, Hatuey et Henry. Le 5 décembre devient un symbole mémorable dans l’histoire des deux peuples de l’île, représentant la résistance tenace et la lutte pour la préservation de leur identité face à l’injustice coloniale.
Avant tout, il s’agit d’un devoir de mémoire envers les peuples victimes du colonialisme espagnol, marqué par des massacres et des maladies importées. La guerre menée contre eux était une guerre religieuse visant l’implantation du catholicisme sur l’île, voire sur l’ensemble du continent. C’était une guerre d’extermination, une guerre écologique, une guerre bactériologique. Il est impératif que ces peuples ne soient pas relégués aux victimes oubliées de l’histoire et de la mémoire. Une réhabilitation concrète de leur présence dans la résistance de l’île est nécessaire.
Ensuite, il est crucial de ne pas segmenter la résistance sur l’île, car elle a été confrontée à la fois au colonialisme français et espagnol. Deux États ambitieux dans leur logique coloniale, mais appliquant des méthodes similaires. Les premiers guides des Noirs déportés sur ce territoire étaient les derniers descendants de ces peuples, transmettant une connaissance topographique de l’île dont ont bénéficié les différents résistants jusqu’à la guerre de l’indépendance.
Le 5 décembre ne doit plus être considéré comme un jour ordinaire dans l’histoire des dates incontournables du pays. Il devrait plutôt être un jour de réflexion et d’action, soulignant la nécessité d’une résistance renforcée contre le capitalisme destructeur des vies et des espaces.
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