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Le phénomène de migration des habitants de l’île d’Haïti, son arrière-plan et sa provenance| Opinion

C’est l’actualité du moment en Haïti, les services d’immigration sont dépassés. L’axe de Lalue est bloqué au niveau de l’immigration et du Parquet de Port au Prince. La police nationale a dû intervenir pour garantir un minimum de circulation. Il est question de quitter le pays. 

Le président américain avec son nouveau programme de migration offre à plus de 30 000 haïtiens l’occasion de rentrer aux États Unis par mois. La motivation devient plus renforcée lorsque les blogueurs crédibles annoncent le départ des premiers bénéficiaires. Les gens s’activent beaucoup plus et personne ne peut prédire l’issue de ce phénomène. Toutefois, ici comme à l’étranger, les familles se mobilisent.

Pourtant la majorité des haïtiens issus des couches paysannes n’avaient pas cette obsession. On s’empressa de partir pour les villes de provinces et les milieux ruraux pour passer du temps avec leur famille et se recueillir auprès de leurs ancêtres qui assez souvent se reposent dans le même espace qu’ils habitent. Nous allons de ce fait, tracer l’histoire de cette décadence, comprendre ce phénomène, et imaginer l’issue.

La migration pour les besoins coloniaux; Les mines espagnoles

Le territoire qui abrite Haïti et son peuple a connu deux colonialisme: L’espagnole et la française. La répression violente des espagnols sur les nations précolombiennes ajouté à l’esclavage dans les mines d’or a causé le départ de plusieurs familles vers d’autres espaces de la Caraïbes. L’histoire se souvient de Hatuey, un chef Taïno qui a fui le territoire pour Cuba et les Espagnols se sont rendus jusqu’à Cuba pour le poursuivre. 

La réalité de l’époque se tournait autour de la puissance coloniale espagnole qui tenait à élargir sa sphère d’influence sur la région des Caraïbes. Ces derniers ont aussi fait venir les autres natifs des autres contrées pour l’esclavage lorsque la main d’œuvre locale fuit épuisée par les travaux forcés et les maladies. Une fois les mines épuisées, les espagnols abandonnèrent l’espace d’Ayiti pour l’Amérique du Sud. La place est ainsi faite au colonialisme français.

Les plantations françaises

Ces espaces économiques sont les plantations de cannes et de café et elles nécessitent une main d’œuvre abondante pour la culture et la récolte. Le régime intensif des travaux forcés, les répressions sévères causent la mort quasi quotidienne des captifs déportés de l’Afrique. Plus la société des plantations rend la France puissante dans son objectif de conquête continentale et mondiale, plus l’arrivée des captifs est progressive.

Le système colonial broya dans le sang des hommes, femmes et enfants. L’espérance de vie pour un esclave ne dépassait pas 20 ans vue la violence imposée par l’ordre économique de cette exploitation. A partir de 1793, le retour de bâton causé par le mouvement des esclaves causa la fuite des propriétaires blancs vers Cuba, la Jamaïque et la Floride. Ce mouvement de contestation systémique déboucha sur la révolution de 1804 qui donna naissance à Haïti.

Dans la première partie de ce texte, on a pu constater comment la violence coloniale a détourné l’évolution Pacifique de deux peuples pour les imposer une économie de destruction au profit des métropoles suscitées. Haïti est né de ces structures, et jusqu’à présent elle n’a pas pu s’en défaire.

La paysannerie haïtienne

Les descendants de ceux et celles qui ont lutté contre le régime colonial ont créé des institutions, un environnement visant à leur développement. L’Etat qui surgit du système colonial n’arrive pas à les intégrer dans le nouveau projet social des élites haïtiennes, de ce fait elle se replie dans leur environnement et évolue en parallèle avec les élites des villes selon Jean Casimir. 

Malheureusement, cela n’empêcha pas les crises parce que le droit à la propriété et la représentation dans les institutions nationales leur est refusé. C’est la continuité du système avec de nouveaux maîtres qui veulent renouer avec la modernité occidentale. Lorsque le capital étranger retourne concrètement en Haïti, l’Etat a encore une fois lancé une vague de violence pour libérer cette main d’œuvre vers les espaces industriels des villes et les autres pays comme Cuba et la République Dominicaine. 

L’exclusion et la violence les suivirent des plantations jusqu’aux usines sucrières américaines avec le concours des occupants américains et les élites haïtiennes. Dès lors débute un cycle de voyage sans fin, La Caraïbes, l’Amérique du Sud, les institutions économiques et commerciales américaines sur le territoire américain. Ce peuple qui a créé une stabilité avec ses institutions de régulation sociales est devenu en l’espace de 100 ans, une population migrante pour les besoins du capitalisme mondialisé. 

Les haïtiens périrent en mer, sur terre en République Dominicaine et également sur les routes montagneuses de l’Amérique du Sud.

De 1986 jusqu’à nos jours, la résistance pour les droits fondamentaux fait place à la fuite. Une fuite qui contribue au maintien indéterminé du pouvoir en place. Un pouvoir qui cautionne toutes sortes de violences. Les bandes armées, le crime organisé, les massacres pour rendre répulsif le territoire et casser toute résistance à sa transformation en territoire périphérique pour l’économie américaine et un couloir pour le trafic des stupéfiants. 

30000 haïtiens par mois dans un programme. Certains voient le renouveau de la main d’œuvre pour colmater la brèche de la crise au États Unis et d’autres voient une opportunité de survie. Maintenant, est-ce une obsession pour quitter un territoire auquel on ne s’attache plus ou une chance pour vivre des années en plus?! L’histoire nous répondra a coup sûr. En attendant, les formulaires se remplissent et le temps n’est plus aux réflexions stériles.

Célestin Richecarde | Opinion

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