Opinion

Le phénomène des boat-people en Haïti : Une autre facette de la migration illégale

Il est impératif de quitter le pays. Il faut partir, échapper à cet enfer qu’est Haïti. Nous sommes arrivés à un point où soit nous ne disposons pas des capacités nécessaires pour partir, soit nous avons la volonté de rester au pays. Une volonté qui est en totale contradiction avec l’idée ou l’exercice du départ.

Que l’on le veuille ou non, fuir le pays doit être une option nécessaire pour garantir la vie d’une personne. Et cela concerne toutes les catégories sociales. Le phénomène de la migration devient une question sociale.

Les Haïtiens utilisent tous les moyens disponibles pour quitter le pays : par terre, par air avec le Programme Humanitaire Biden, et par mer. C’est de cette dernière voie qu’il sera question dans cet article.

Comme l’a souligné Arnold Antonin dans son documentaire sur la mer, les Haïtiens entretiennent plusieurs relations avec la mer. Tout d’abord, c’est une relation basée sur la peur, héritage colonial. La traversée de l’Atlantique de l’Afrique vers l’Amérique fut une épreuve sanglante, indigne pour de nombreux peuples qui cherchaient leur liberté. Il s’agissait d’enchaîner, de jeter hommes, femmes et enfants à la mer pour réprimer les révoltes. Les viols et l’insalubrité étaient monnaie courante. La traversée de l’Atlantique représente une page sombre dans l’histoire de l’esclavage des peuples colonisés.

Lorsque le capital étranger fit son retour dans le pays à partir des années 1860, l’État pratiqua des expropriations. Les paysans quittèrent le pays par la mer pour se rendre dans les territoires caribéens et travailler dans les usines sucrières américaines. Le lien des Haïtiens avec la mer est également économique, par la pêche sur le littoral et en haute mer à des fins alimentaires et commerciales.

En ce qui concerne le phénomène des boat-people, les paysans haïtiens commencèrent à fuir par bateaux vers les côtes de la Floride à partir des années 70, plus précisément sous la dictature des Duvalier. Les promesses de révolution économique furent une illusion. Les institutions financières et les fonds étrangers pénétrant dans le pays restèrent exclusivement dans les grandes villes. L’espace rural sombra dans la misère, poussant ainsi des milliers de paysans à partir dans des embarcations de fortune.

En cas d’échec d’atteindre les plages de la Floride, les gardes-côtes américains procédaient à des rapatriements massifs. Souvent, ces bateaux ne résistaient pas aux défis climatiques de la région et sombraient avec passagers et équipage dans les flots caribéens. On ne peut compter combien de personnes ont disparu en mer, préférant être mangées par des requins plutôt que de vivre dans l’indigence.

La disparition du rappeur Jonathan (Mechanste) Desir est un cri d’alarme, soulignant que le phénomène des boat-people touche toutes les catégories sociales incapables d’atteindre les États-Unis dans des conditions adéquates. Ce risque, autrefois pris par les paysans, concerne désormais d’autres catégories qui, faute de pouvoir traverser par voie terrestre ou aérienne, tentent la traversée maritime. Ce départ est motivé par l’espoir et par un discours de valorisation une fois arrivé à destination – une destination qui expose à une autre forme d’insécurité pour les migrants : la question des sans-papiers.

Mag.2 News

Richecarde Célestin

Richecarde Célestin, né le 5 juillet 1992 à Port-au-Prince, Haïti, est un juriste et rédacteur, mettant son expertise au service de sa communauté.

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