Lorsqu’on évoque Haïti, surtout à l’étranger, il est naturel de se poser des questions sur les raisons qui sous-tendent les nombreux drames que le peuple haïtien a traversés depuis le début de son histoire. On se demande qui sont les responsables de cette situation : le peuple, les dirigeants haïtiens, la communauté internationale ? Qui sont les principaux bénéficiaires de cette conjoncture sanglante ?
L’actualité en Haïti semble figée depuis de nombreuses années, dominée par des problèmes tels que la criminalité, la corruption, les malversations et l’ingérence des gouvernements étrangers. On peut même se demander si cette situation n’est pas entretenue délibérément, si l’on ne cherche pas à maintenir Haïti dans une certaine image associée à la misère, à l’insécurité et à sa place dans les classements mondiaux. Les interrogations persistent, que ce soit en Haïti ou ailleurs.
La Fondation Frantz Fanon et des représentants d’organisations afro-descendantes ont effectué une mission de solidarité internationale en Haïti du 10 au 15 août 2023. Agissant dans le cadre d’un internationalisme solidaire avec les peuples opprimés, les membres de cette mission internationale ont rencontré des intellectuels progressistes, des organisations politiques progressistes, des défenseurs des droits humains, ainsi que des organisations paysannes du Nord-est du pays. L’objectif était de créer une nouvelle narration sur Haïti, dans le but de mieux comprendre la situation du pays telle que vécue par les Haïtiens qui résistent contre l’ordre établi.
Au cours des différentes rencontres, l’idée principale qui émerge des divers témoignages des membres de ces organisations met en lumière une résistance constante. Cette résistance s’exprime face à un État néocolonial violent, dirigé par un gouvernement soumis aux pressions des grandes puissances de la communauté internationale. Ces puissances ont notamment été impliquées dans le détournement des fonds pétrocaribéens et ont érigé des obstacles pour entraver la tenue d’un procès visant à révéler la vérité derrière cette affaire. En conséquence, le pays a sombré dans une spirale de violence, ayant même entraîné l’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse.
À partir de là, a débuté une transition marquée par une violence d’État et des actes violents perpétrés par des groupes armés, plongeant la capitale et tout le pays dans un climat d’instabilité permanent. Le nombre de victimes, de personnes déplacées de force et de migrants haïtiens fuyant la crise migratoire régionale déjà critique est incalculable. Cette vague de violence s’est déroulée sous le regard complaisant de l’État et de la communauté internationale, qui semblent avoir joué leur dernière carte pour étouffer définitivement les revendications en faveur d’un nouveau projet social et politique pour le pays.
Cette dernière carte est l’intervention militaire étrangère prétendument destinée à lutter contre l’insécurité en Haïti. La presse nationale et internationale se montre avide de ces informations tragiques, reléguant tout autre discours au second plan.
L’histoire du peuple haïtien est celle d’une lutte incessante contre un projet de destruction implacable. Depuis la période coloniale française et espagnole, la période post-coloniale, l’occupation américaine, la dictature, et jusqu’à la période dite démocratique, le fil conducteur est une succession de résistances indomptables. Tout d’abord par l’héritage légué par les aînés, puis par l’appropriation de cet héritage pour le mettre en œuvre dans la lutte contre le néolibéralisme en Haïti. Un exemple concret de cette résistance est la construction du canal de la plaine du Maribaroux sur la rivière Massacre.
Il est essentiel de changer la manière dont on raconte l’histoire d’Haïti et de ses habitants. C’est un peuple fier, résolu et qui se bat pour être à la hauteur de sa propre histoire.
Richecarde Célestin
