Il est crucial de documenter ce qui se passe en Haïti, non seulement pour analyser correctement la conjoncture, mais aussi pour éviter toute tentative de révisionnisme de l’histoire de la période que nous vivons. Nous sommes plongés dans un moment douloureux où le peuple haïtien subit un autre choc terrible. Nous vivons un temps de mort, de vol, de viol. La capitale est devenue un véritable champ de bataille où le peuple haïtien est plongé dans un cauchemar de violence.
Sur le plan politique, nous assistons à de faux combats, une stratégie utilisée par les classes dominantes pour épuiser le peuple soumis à leur domination. Dans la presse, trois camps sont dressés : un camp dit révolutionnaire nationaliste, comprenant les groupes armés ; un camp aligné sur la CARICOM, comme piste de solution, cette organisation régionale encourage vivement le Conseil Présidentiel ; et enfin, la Cour de Cassation, totalement contrôlée par le régime en place.
Malheureusement, il est consternant de constater que le peuple est largement exclu de la scène politique. Les différents massacres perpétrés dans les milieux populaires et l’insécurité planifiée sont les armes de cette exclusion. Aucune mobilisation n’est possible en ces temps. L’impérialisme et ses acteurs sur le terrain garantissent cet état de conservation, une conservation obtenue au prix du sang.
Sur le plan économique, la crise est encore plus grave. Les produits de première nécessité se font de plus en plus rares. Étant donné que le modèle économique en place est une économie extravertie, la dépendance qui en découle étouffe toute velléité de production nationale. Les bateaux d’approvisionnement n’accostent plus depuis quelques mois. C’est un véritable siège à Port-au-Prince, où chaque jour apporte son lot de morts, son lot de cadavres brûlés. Il est donc crucial de prendre en compte l’aspect psychosocial de la crise.
Comment vivre dans cette ère de mort, de destruction et de violence généralisée, où la mort ne représente plus rien et est même parfois un choix, surtout dans le cas des bandits capturés ? Comment les habitants de la capitale vivent-ils ce traumatisme, ce chaos perpétuel ?
Cependant, il est important de souligner que Haïti ne se résume pas à Port-au-Prince. C’est là tout le paradoxe. Dans les autres villes de province, non encore touchées par l’insécurité de la capitale, la vie suit son cours. Les élèves se rendent à l’école, les marchés sont animés. Nous sommes en période de rara, une fête populaire qui suit la période de Carême. Il est nécessaire de documenter cette réalité, ce phénomène de destruction, de résistance, de guerre d’extermination et de volonté de vivre.
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