On ne peut compter le nombre de promesses électorales ni le nombre de réunions dans les hautes instances nationales et internationales concernant la problématique de l’alimentation en Haïti. Face au constat de la crise alimentaire dans le pays, de nombreuses personnalités haïtiennes et étrangères se sont rencontrées pour tenter de résoudre à leur manière cette situation difficile. Mais quels sont les résultats ? Le problème persiste. Même lorsque des mobilisations sont lancées par les organisations populaires et la société civile, l’État adopte une attitude de sourd-muet, doublée d’une réaction violente face aux manifestants réclamant l’effectivité du droit à l’alimentation tel que prescrit dans l’article 11 du Pacte International relatif aux droits socioéconomiques et culturels.
Se nourrir conformément aux dispositions législatives nationales et internationales signifie que chaque personne devrait pouvoir avoir accès, soit directement soit par l’achat de nourriture de qualité et en quantité suffisante selon ses besoins personnels et ceux de sa famille ou de son entourage. Cependant, l’agriculture mondiale mécanisée, selon Jean Ziegler dans son ouvrage « Destruction massive : géopolitique de la faim », même capable de nourrir plus de 12 milliards de personnes, ne peut répondre adéquatement aux défis liés à la sous-alimentation mondiale.
Dans le cas haïtien, la population n’est pas épargnée par cette réalité périlleuse. Non seulement elle est confrontée à la problématique de l’accès à la nourriture, mais aussi à un déficit de qualité des produits disponibles sur les marchés. Une étude réalisée par l’université de Michigan sur la question de l’alimentation à partir du riz en Haïti a révélé que le riz importé des États-Unis contient de l’arsenic et d’autres métaux lourds nocifs pour la santé des consommateurs. Le risque de cancer et de maladies cardiaques est élevé selon cette étude. Plus de quatre jours après la publication des résultats, rien n’a changé. Il y a un silence, une ignorance et un mépris de la part des autorités sanitaires et commerciales haïtiennes. Aucune mesure n’a été prise, même pour prendre acte de cette étude. Pendant ce temps, la consommation de riz américain importé se poursuit dans l’indifférence générale.
Il convient de souligner que le riz occupe une place prépondérante dans l’histoire économique du pays en ce qui concerne les produits destinés à la consommation. La vallée de l’Artibonite dispose d’une capacité de production extraordinaire. Des recherches ont avancé que la production de riz de l’Artibonite pourrait nourrir qualitativement et quantitativement plus de 80 % de la population haïtienne. Cependant, l’histoire économique du pays est marquée par l’extraversion, la dépendance et la violence, depuis les plantations coloniales jusqu’à nos jours, selon l’économiste Fred Doura.
Cette volonté des dirigeants haïtiens de maintenir le pays sous l’emprise des élites globalisées, conformément à la division internationale du travail, a entraîné la signature du Pacte d’ajustement structurel, qui a libéralisé l’économie haïtienne tout entière et l’a placée à la merci des grands groupes de production mondialisés, notamment établis aux États-Unis d’Amérique. En conséquence, la production haïtienne a chuté de manière drastique. Les cochons créoles ont été éliminés au profit de la viande étrangère, et la production de riz a suivi le même sort. Non seulement il n’y a pas eu d’investissement massif dans ce secteur pour maintenir sa productivité et sa compétitivité, mais les zones de production de riz sont également soumises à la loi des groupes armés.
Sur le plan socio-économique, le drame est évident. Une fois de plus, la paysannerie haïtienne est appauvrie, soumise à une pauvreté extrême, tandis que le modèle économique imposé par le néolibéralisme favorise l’émergence d’une bourgeoisie compradore. C’est cette dernière qui achète et importe le riz américain pour le vendre sur le marché national. Comme le souligne Fritz Jean, c’est une économie où la violence est l’arme favorite des acteurs économiques et politiques. Le silence complice est un fait notable.
Les médias ne font pas de cette question une priorité de peur de perdre des revenus publicitaires, et une partie de la population, bénéficiaire de programmes humanitaires, évite d’exprimer son opinion pour ne pas compromettre ses perspectives d’établissement futur dans le pays sous la bannière étoilée. Pendant ce temps, les maladies cardiovasculaires se développent à un rythme alarmant, et le cancer continue de décimer la population. La société haïtienne est sous l’influence américaine depuis plus de 100 ans. Elle est en voie d’américanisation. Tout ce qui concerne les intérêts haïtiens est bafoué.
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