Le mois de mai est aussi historiquement chargé que tout autre mois de l’histoire du pays. C’est un mois rempli de rebondissements, de sujets et de réponses que l’histoire offre lorsqu’on la sollicite. Le 18 mai 1803 est reconnu comme le jour du drapeau. Ce jour-là, l’histoire du bicolore et de son symbolisme a été minutieusement étudiée. Mais il y a aussi la date du 20 mai. D’abord le 20 mai 1805, le jour où la constitution impériale de Jean-Jacques Dessalines a été adoptée.
Ensuite, le 20 mai 1920, où la résistance paysanne dirigée par Benoît Batraville a été sévèrement réprimée par l’occupant américain qui avait envahi et contrôlé le territoire en juillet 1915. La Constitution du 20 mai 1805 est l’acte juridique par excellence qui renferme tout un projet social de rupture avec l’ancien ordre colonial. Dans cette constitution, les normes concernant le statut, l’organisation et l’orientation du nouvel État sont établies.
Les droits et devoirs du citoyen haïtien, ainsi que la couleur du drapeau, pour n’en citer que quelques-uns. C’est une constitution qui scelle juridiquement la nature de l’État et sa position vis-à-vis de l’ancienne métropole française. À la mort de Dessalines, la Constitution de 1805 et les actes qui l’ont précédée ont été réduits au silence par le groupe qui a pris les rênes du pouvoir. Il a fallu plus de 40 ans pour que le silence sur l’empereur, le libérateur d’un peuple esclavagisé, soit rompu.
Même aujourd’hui, il est difficile de parler voire d’assumer Dessalines, car le chef qu’il représentait, le projet social qu’il portait, était contraire aux intérêts personnels de ses contemporains, ce qui lui a valu une fin tragique. Un siècle plus tard, d’autres généraux ont emprunté le même chemin de la liberté, du nationalisme, de l’autodétermination. Les généraux Charlemagne Peralte et Benoît Batraville ont résisté farouchement à l’impérialisme américain qui a pris le contrôle du territoire national.
La résistance paysanne dont ils étaient les leaders a été sévèrement réprimée par les Marines américains à partir du 20 mai 1920, pacifiant ainsi le pays et permettant l’imposition du projet impérialiste américain. Il convient de signaler qu’à partir de cette date, la résistance pacifique intellectuelle a remplacé la résistance armée paysanne. Cette accumulation de luttes a finalement conduit les occupants à quitter le pays en 1934.
Le lien entre ces deux faits historiques est la volonté de Dessalines, de Peralte ou de Batraville de placer Haïti dans sa dimension historique, en tant qu’alternative pour les opprimés face à un système oppresseur et destructeur des vies et des espaces. Une même date, deux périodes différentes mais une même lutte : pour la liberté et le bien-être collectif.
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