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Que vaut la Ville de Port au Prince de nos jours? | Opinion

13 juin 1749-13 juin 2023, la ville de Port au Prince a parcouru une bonne centaine d’années. Construite par les Français en quête d’un port de relâche pour l’un de leurs bateaux, le Prince, la ville qui porte le même nom a été le théâtre de nombreux soubresauts économiques, politiques, climatiques pour ne citer que ceux-là. C’était la capitale administrative de la colonie de Saint Domingue.

Cet héritage spatio-administratif l’a suivi à partir de 1804. C’est dans cette ville que s’établissent le palais de la Présidence, le siège du Parlement haitien et des locaux du pouvoir judiciaire qui fait de lui, une cible de choix lors des divers renversements politiques. Mais, il faudra noter que cette dynamique spatiale était en totale équilibre avec les autres villes.

Du début du 19eme siècle à l’Occupation Américaine, il était en adéquation avec le Cap, les Cayes pour ne citer que ces villes là, ouvertes sur la mer elles aussi. C’est l’occupation américaine d’Haïti qui va donner un nouveau rôle à Port au Prince comme centre névralgique.

L’Occupant a opéré une pacification violente et a assuré dans l’alignement sur ses intérêts liés à ses politiques géostratégiques, l’hégémonie de cette ville sur les autres de la province. De ce fait, avec l’argent tiré des caisses de la République, il y eut des constructions de bâtiments stratégiques, de bétonnage des rues, et d’organisation portuaire pour faire de cette ville un point non négligeable pour ses intérêts économiques, politiques et financiers. Cette ville dominée jadis dans une logique exclusive aux de Bordeaux, de Nantes, et de La Rochelle, est soumise aux villes de Miami, de New York et de Washington. 

Cette soumission initiée à partir de 1915 dure jusqu’à maintenant. L’hégémonie de la ville sur les provinces cause la décapitalisation de ces dernières. Obéissant à la logique capitaliste, toutes les décisions concernant la dislocation de l’économie paysanne y furent prises. De ce fait, ce sont les gouvernements issus de la centralisation de l’Etat qui ont ouvert le pays au capital étranger avec toutes les violences que cette décision apporte dans son sillage. Les économies paysannes disloquées, l’exode rural amène la main-d’œuvre abondante à bon marché dans la ville. La clientèle du populisme de gauche comme de droite également.

Les conditions infrahumaines dans lesquelles sont plongées les masses populaires conditionnent la violence et l’insécurité qui assurent la pérennité du modèle économique imposé depuis 1915. En dépit des morts causés par la politique, l’économie et les catastrophes naturelles comme celles du 12 janvier et diverses inondations, l’accumulation violente reste la même.

Que nous reste-il de la capitale de la République d’Haïti en 2023 ?

C’est une ville soumise aux injonctions de l’impérialisme américain. C’est une ville dominée, dans une économie dépendante comme le souligne assez souvent Georges Eddy Lucien dans ses ouvrages. C’est une ville ou la violence appuie le modèle économique violent qui organise la destruction violente ou lente de la vie de plusieurs citoyens.

Néanmoins, les photos prises sous le gouvernement d’Estimé et de Magloire alimentent les rêves les plus fous, et de profondes nostalgies. C’était dit on, l’âge d’or de la ville, la seule fois où l’on a été fier d’être Port-au-Princien.

Mag.2 News | Opinion

Richecarde Célestin

Richecarde Célestin, né le 5 juillet 1992 à Port-au-Prince, Haïti, est un juriste et rédacteur, mettant son expertise au service de sa communauté.

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