Cette semaine, plusieurs cas de féminicides ont été rapportés, la domination que les hommes exercent sur leurs compagnes est tellement rude que cela débouche sur leur mort. Le plus intéressant dans l’appréciation de ces cas de meurtres est le fait que quelques hommes perchés sur leur branche de domination donnent raison à l’agresseur. Les femmes haïtiennes luttent pour l’appropriation de leur corps, cette pratique de féminicide ne date pas d’hier, elle fait partie de la condition des femmes haïtiennes.
Pour comprendre cette condition, il va falloir voir comment les institutions idéologiques qui sont les espaces de socialisation construisent la femme.
Il y a une histoire derrière cette pratique: l’héritage colonial espagnol et français ont posé les bases de la dépendance des femmes à l’égard des hommes. Hugo Tolentino dans son ouvrage sur l’origine du préjugé racial en Amérique, affirme que lorsque les colons espagnols s’approprient avec violence le territoire des premiers habitants de l’île, il créent une économie centrée autour de leur besoin et consacrent une condition pour les femmes indiennes. Celles-ci sont livrées au viols et aux travaux forcés dans les mines. Les colons français construisent leur exploitation sur ces fonds coloniaux. Le code noir en est la monstrueuse preuve, les femmes sont condamnées à la reproduction de la main d’oeuvre esclavagiste et les travaux forcés sur les plantations.
La vie des femmes indiennes et africaines sont devenue précaire, les institutions que l’on connaît ici lors de la période démocratique ont des racines historiques coloniales. La civilisation victorieuse qui est l’occidentale a une position sur le corps des femmes, celles-ci sont les terrains pour l’affirmation de la puissance masculine de la part des hommes,colonisateurs et colonisés. Cette civilisation nous a donné des institutions qui fabriquent une conscience qui dicte l’évolution d’une personne dans la communauté et cette évolution se fait sur une base d’aliénation. Ces trois institutions sont la famille, l’école et l’église, la somme de la préparation au sein de ces institutions achemine sur l’Etat et ses pratiques dans la société.
La lutte pour la réappropriation des corps des femmes doit se faire en amont et en aval. La famille est capitale, voire incontournable la raison c’est que la première formation de l’enfant afin qu’il puisse trouver sa place dans la société s’y opère. Les jeux éducatifs, les tâches ménagères, l’éducation de la petite enfance, et l’appréciation affective des parents sont très importants dans la construction de la personnalité de la femme. L’une des pires injustices faites a la femme c’est leur redirection directe dans les tâches ménagères avec une vision de soumission.
On prépare la femme des son enfance dans le vie de famille sous l’observation de l’homme. L’ école leur est refusée au profit des petits garçons, toutefois, cette pratique est combattue par la massification de l’instruction. C’est une note positive. Mais ma société haïtienne hérite de la société coloniale et utilise les institutions comme digue pour contenir toute énergie d’émancipation, la plus forte est l’église.
C’est l’institution par excellence de la condition féminine. L’argumentaire est irrationnel donc irréfutable, Dieu le veut et c’est tout. Comme l’église est une institution de socialisation, obligation est faite de s’y intégrer même si celle-ci s’opère sur une base d’exclusion. L’église agit directement sur l’esprit et les femmes religieuses sont les meilleurs vecteurs de cette idée. Une fois intériorisé c’est difficile de s’en débarrasser sous peine de diabolisation et d’exclusion sociale. Un exemple : C’est à cause d’Eve que le péché fit son apparition. L’imperfection qui est la cause des maux de l’humanité a pour seule responsable Eve. Elle n’était pas seule, mais c’est elle qui compte. La troisième institution c’est l’école.
Combien de modèles de femmes sont apprises à l’école? Les femmes qui ont résisté contre le colonialisme sont qui?
L’école haïtienne obscurcit l’histoire des femmes dans le bénéfice des hommes, l’éducation des femmes sert à la réussite des projets d’un homme. D’où le problème de l’autonomie intellectuelle. Plus une femmes est formée, plus elle est isolée et moins elle peut avoir de famille car à coup sûr elle ne se pliera pas aux réclamations de la domination masculine.
Beaucoup de femmes ont résisté contre les impacts de ces institutions idéologiques qui fragilisent la vie des femmes et leur place dans la condition féminine de soumission, d’exploitation et de violence. Elles ont payé le prix de leur vie cette exploitation économique, idéologique. Le discours dominant les responsabilise de leur propre victimisation.
Il faut comme appui à la lutte pour la liberté et l’effectivité des droits de la femme haïtienne une pensée de la femme. Une pensée affranchie des dispositions institutionnelles de la civilisation occidentale. Il faut penser la condition féminine, non pas comme une ministère de l’Etat central mais comme une pensée sur les rapports sociaux entre les femmes elles-mêmes et les hommes.
Car l’idée de la domination n’a pas de genre l’un appui l’autre l’intériorité et le véhicule. Après être armés d’idées novatrices, attaquer les institutions idéologiques de front qui sont; La famille, l’école et l’église. Il faut même penser à des contres institutions, ce sera une lutte de longue haleine. Car celle-ci touche les bases structurelles mêmes de la condition féminine en Haïti.
Mag2News