Opinion

Sur la question de l’avortement en Haïti : Les militantes féministes se positionnent

Le 28 septembre, les organisations féministes Nègès Mawon, Gran jipon et Marijàn ont organisé une marche à l’occasion de la Journée mondiale du droit à l’avortement. Cette marche a été organisée conjointement dans plusieurs autres pays, et les militantes féministes haïtiennes se sont positionnées sur la question du droit à l’avortement en Haïti. Interrogée sur cette initiative, la militante féministe Negresse Colas nous a éclairés concernant la marche et les principales revendications qui ont été portées.

Negresse Colas souligne la solitude des femmes en ce qui concerne l’effectivité du droit à l’avortement. Actuellement, l’avortement est illégal en Haïti, et quiconque y recourt est passible d’emprisonnement et de travaux forcés. Cette situation a conduit à la pratique illégale de l’avortement, souvent réalisée par des professionnels de la santé non qualifiés. De plus, faute d’options médicales, certaines femmes se tournent vers des potions nocives pour leur santé, parfois mortelles. Negresse Colas a donné l’exemple d’un mélange de coca et d’eau de javel que certaines femmes utilisent pour tenter de provoquer un avortement. La pénalisation de l’avortement contraint les femmes à recourir à cette pratique dans des conditions dangereuses et clandestines.

La lutte principale des femmes en Haïti et dans le monde entier tourne autour de la réappropriation de leur corps. Le corps des femmes est souvent exploité économiquement, politiquement et culturellement, servant de terrain pour la manifestation de la puissance. Cela découle d’un système patriarcal qui vise à contrôler la naissance et la fécondité conformément aux intérêts du capitalisme.

Cette perspective est partagée par la militante féministe anticoloniale Françoise Vergès, qui identifie un processus similaire dans les départements d’outre-mer, où les habitants sont souvent considérés comme une main-d’œuvre bon marché pour le capitalisme français. Par conséquent, le droit à la libre disposition du corps est l’une des revendications des femmes. Étant donné que les méthodes de contraception ne sont pas à 100 % fiables, les femmes peuvent se retrouver dans des situations de déni de grossesse ou face à des malformations chez le fœtus.

Il est important de noter, comme le souligne cette militante, que des cas de viols collectifs ont été signalés à la capitale et dans les villes de province. Les viols collectifs sont souvent utilisés comme un moyen de démontrer la puissance des groupes armés en conflit. Le droit à l’avortement est donc perçu comme une mesure de sécurité pour les femmes victimes de viols collectifs ou individuels.

La question qui se pose est légitime : s’agit-il d’un problème spécifique à l’avortement ou plutôt d’un problème de réappropriation du discours par les organisations féministes dans un pays où toute avancée vers la défense des droits fondamentaux est rejetée par les milieux réactionnaires se prétendant conservateurs ?

En réponse à cette interrogation, la militante explique que le changement souhaité ne peut être réalisé sans perturbation. Le combat des femmes en Haïti et ailleurs vise à lutter contre le patriarcat, une idéologie qui se manifeste au sein des classes dominantes à travers leur contrôle des moyens de production et de l’État. Il se manifeste également au sein des institutions de régulation sociale telles que la famille, l’éducation, les institutions religieuses, les organisations de la société civile, etc. C’est une lutte contre une idée qui, au nom de la différenciation des genres, détermine quelles vies sont valorisées et quelles vies ne le sont pas.

Richecarde Célestin

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