Opinion

Terrorisme et mouvements armées en Haïti : Un discours à deux poids, deux mesures

Thomas Jefferson, président des États-Unis, a affirmé que la politique, lorsqu’elle est bien menée, est l’art d’organiser la vie dans une société dans le but de garantir le bien-être et la protection du bien commun. En gros, c’est une façon de garantir la paix, la sécurité et la justice sociale pour tous, sans exclusion. Dans le cas où une mauvaise politique est mise en application, la société qui y est soumise devient une société de violence extrême. Il est de la responsabilité des citoyens de lever les boucliers et de lutter contre cet état de fait. Il existe deux grandes formes de lutte : pacifique et violente. Les luttes pacifiques ont tendance, par leurs idées mesurées, à être corrompues au profit des classes dominantes qui ont leur mainmise sur le modèle d’accumulation en place. Mais avec la lutte armée, c’est un jeu de coups où l’antagoniste le plus violent sortira vainqueur. Une lutte pacifique peut, en cas d’échec, se transformer en lutte armée.

L’histoire de l’Amérique latine regorge d’exemples de luttes armées. Tupac Amaru, Caonabo, Sandino, José Marti, Charlemagne Peralte sont quelques-uns des exemples parmi tant d’autres de personnalités qui ont mené une lutte armée. Ce sont des luttes révolutionnaires contre les différents colonisateurs occidentaux de l’espace, ou des luttes contre l’impérialisme américain, comme ce fut le cas des Barbudos dirigés par Fidel Castro à Cuba.

Ce qui est important à signaler, c’est le discours qui accompagne ces différentes initiatives. Quand un groupe se soulève dans un cadre idéologique précis contre les bourgeoisies nationales et internationales, ces groupes qualifient souvent ces acteurs de terroristes. Mais quand ces acteurs contribuent à créer des milices armées pour assurer que l’accumulation économique et les intérêts stratégiques ne soient pas dérangés, même si le prix à payer est le déplacement forcé des populations, des massacres et des crimes de tout genre, le mot « terroriste » n’est pas sur la table. Or, pour résoudre un problème, l’approche doit être clairement définie. Comment qualifier les groupes armés sévissant actuellement en Haïti par rapport aux groupes de paysans du Nord et du Nord-Est qui utilisaient la méthode armée pour lutter contre l’occupation américaine ? Ou bien plus près de nous, la guérilla de Fred Baptiste au Sud-Est du pays ?

En 1969, qui était terroriste ? Le régime de la dictature ou la gauche marxiste qui a subi de plein fouet la répression ?

Dans une période où le salut d’Haïti est attendu du Nord, comment les Américains comprennent-ils l’initiative armée qui a semé tant de morts dans les familles haïtiennes ? Beaucoup de gens pensent que si ce qui se profilait depuis 2020-2021 était d’obédience gauche marxiste révolutionnaire, la solution américaine aurait déjà été appliquée.

De ce fait, ces groupes agissent pour le compte du maintien de l’hégémonie américaine sur le pays en ne touchant pas à ses intérêts stratégiques. En ciblant, dans un discours populiste, la bourgeoisie compradore, la même pour laquelle ils ont été des instruments dans la guerre économique, ils opposent ceux qui veulent briser leur monopole économique sur le marché haïtien. Étant les principaux relais des grandes industries américaines, ces derniers assurent, par la politique et les directeurs d’opinion, que le terrorisme n’est pas le mot applicable. C’est un discours de deux poids deux mesures qui cache la réalité actuelle concernant la contestation d’un système à bout de souffle, un système vieux comme l’histoire du pays qui ne peut reproduire le cycle de violence et d’inégalités générateur de morts et de destruction.

Le terrorisme a été élaboré comme idéologie après le 11 septembre pour qualifier ceux et celles qui répondent avec les armes aux impositions américaines. Avec les Arabes et les musulmans, qualifiés de terroristes islamistes, c’est comme une lutte civilisationnelle. Mais quand il s’agit des groupes pro-occidentaux ou dans leurs intérêts, soit c’est le silence, soit du coq à l’âne, soit une résolution cosmétique, conjoncturelle en attendant que le prochain groupe émerge.

Richecarde Celestin | Opinion

Richecarde Célestin

Richecarde Célestin, né le 5 juillet 1992 à Port-au-Prince, Haïti, est un juriste et rédacteur, mettant son expertise au service de sa communauté.

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